Littérature et poésie alévie

 

«Étranger, viens, faisons la paix,

Apprenons à nous connaître!

Nous avons sellé nos chevaux

grâce à Dieu nous avons galopé»

.….

«Nous rejoignant, nous avons été source,

nous avons été fleuve

Vers la mer nous sommes descendus

grâce à Dieu nous noyer, bouillonner».

Ces vers du poète Yunus Emre (1241-1319) résume bien la philosophie alévie qui est à la base de sa culture et de son comportement social: le respect de l’autre, la tolérance, la nécessité de la solidarité et l’importance de la vie collective.

C’est le contenu des rites actuels, l’analyse des prières et des chants parvenus jusqu’à aujourd’hui oralement mais néanmoins peu modifié qui nous enseigne beaucoup plus sur la théologie alévite. Les poêmes-chants de Yunus Emre (1241-1319), de Nesimî (1339-1418?), de Pîr Sultan Abdal (autour de 1500) et de Hatayî/chah Ismâîl (1487-1524) utilisés actuellement dans des «cem» sont des véritables condensés théologiques.

Chah Hatayi (Chah Ismâîl)

Chah Hatayi qui en réalité n’est qu’un surnom, de son vrai prénom Chah Ismâîl, est le fondateur de la dynastie des Séfévides qui régna sur l’Iran entre 1501 et 1722.
Chah Ismâîl a également pratiqué l’art de la Poésie tout au long de sa vie. Il a renouvelé les thèmes traditionnels du lyrisme turc. Les accents très personnels sur la bravoure, sur les martyrs et les combattants de la foi lui ont valut un grand renom.
Pour que tout le monde puisse comprendre, il utilisé un vocabulaire et un style assez simple dans ses ouvrages.
En plus de son «Divan», on lui doit un long poème Épopée «Dehname» et un mesnevi philosophique «Nasihatname».
L’extrait suivant, tiré de l’art du saz de Jean During, montre l’impact du personnage dans la culture azerbaïdjanaise:
«…Chah Ismâîl était aussi un excellent instrumentiste et surtout il nous a laissé de nombreux poèmes mystiques qui sont les chefs-d’œuvre de la langue turque. Son concept de nation azerbaïdjanaise servit aussi l’art des ashiks, bardes azerbaïdjanais. Sous son règne les formes poétiques bayati, gerayli, varsaĝi, qoshma, divani, mokhamma, ainsi que les répertoire des mélodies de saz, les règles de narration des destan et le système sémantique des récits épiques et lyriques parvinrent à leur forme parfaite. …Dans un de ses poèmes, Chah Ismâîl évoque sa passion pour le luth:
un jour, de mon saz je n’ai pas joué
le lendemain ma voix était nouée
Il y’ a quatre chose indispensables à tout homme
Le savoir et les bonnes manières, le souffle et un instrument… »
»
Pour le chercheur Sadettin Nüzhet, Chah Hatayi a fait ressortir dans ses poèmes quatre principaux thèmes, dont le plus important est l’alévisme. Et il a même des écrit très célèbres sur Haji Bektach Veli.
Chah Ismâîl aime à s’entourer des gens de Poésie, notamment Süruri, Şahi, Matemi, Tüfeyli, Qasımi et Habibi. Il a vécu de manière très modeste, et il s’est donné comme mode de vie «kamil-i Insan» (l’homme parfait), qui est très important dans la croyance alévie.

Venant de la Lumière, je suis entré dans la Lumière,
Devenu poussière, je me suis répandu sur terre,
Un moment j’étais Dieu, j’étais avec Dieu,
Le feu est entré dans mon cœur, il m’a embrasé et je suis venu.

Depuis la Pré-éternité nous connaissons Dieu,
Une voix s’est élevée, nous l’avons appelé «Dieu»,
Au banquet des Quarante nous nous sommes purifiés:
Je n’ai pas besoin d’ablution, je suis venu purifié.

Ici bas, j’ai connu les peines de mes frères,
Auprès des élus j’ai trouvé la perfection,
Au banquet des Quarante je me suis confondu en eux
Je n’est pas besoin de feu, je suis venu embrasé.