c- Théologie alévie
1- L’unicité divine (tawhid)
2- Théologie alévie
3- Les livres de la théologie alévi
4- Le Chiisme iranien et Alévité
1-L’unicité divine (tawhid) et l’unicité de l’être (wahdat al-wujûd)
Il n’y a pas de dieu, si ce n’est Dieu: c’est secondement doctrinal de l’Islam, que les soufis interprètent, en lui donnant son sens le plus profond, par: «il n’y a pas de réalité, si ce n’est la Réalité». Dieu seul est absolument réel.
L’Unité de Dieu, dont la seule affirmation constitue la profession de foi musulmane – la shahâda, qui fait de l’homme le «témoin » de Dieu (c’est le sens même de shahâda, témoignage) – implique, non pas seulement qu’il ne peut y avoir de polythéisme, ce que bien entendu toutes les grandes religions proclament, mais encore qu’en un certain sens, Dieu Seul est.
Le Coran déclare :
«Il est le Premier et le Dernier, l’Extérieur et l’Intérieur» (Coran. LVII, 3).
«Où que vous vous tourniez, là est la face de Dieu » (Coran. II, 115)
«Dieu est Unique, Il n’a pas d’associés» (Coran. VI, 163; XVII. 111; XVIII, 26; XXV, 2).
«Toute chose périt sauf Sa Face » (Coran. XXVIII, 88)
«Tout passe et il ne reste que la face de ton Seigneur.» (Coran. LV, 26-27)
La Réalité divine échappe à toute catégorie : on a vu que la shahâda comporte une négation : «Il n’y a pas de divinité » (ou de réalité), à laquelle fait équilibre une affirmation : «Si ce n’est la Divinité »: car nulle «définition » ne peut être donnée de l’Inconnaissable. Comme le dit avec force Ibn ul-’Arabi : «Personne ne Le saisit, sauf Lui-même. Personne ne Le connaît, sauf Lui-même… Il Se connaît par Lui-même… Autre-que-Lui ne peut Le saisir. Son impénétrable voile est Sa propre unicité. Autre-que-Lui ne Le dissimule pas. Son voile est Son existence même. Il est voilé par Son unicité d’une façon inexplicable… Autre-que-Lui n’a pas d’existence et ne peut donc s’anéantir. » Rien ne peut donc être dit de Dieu, ni même imaginé. Hallaj allait jusqu’à dire : «Qui prétend affirmer l’Unité de Dieu Lui donne par là même un associé. » Ou comme le dit encore Dhû ‘l-Nûn al-Misri : «Quelque idée que vous vous fassiez de Dieu en votre esprit, Il est différent d’elle. »
Pour les soufis, la transcendance et immanence ne s’excluent pas : elles sont des aspects complémentaires de la même Réalité.
Ainsi, est-Il à la fois le «Tout-Autre », et celui qui « Se glisse entre l’homme et son propre cœur » « Qui en est» plus proche que sa veine jugulaire. L’unicité de l’être, c’est donc l’omniprésence de l′Unique Réalité : « Quand le secret d’un seul atome d’entre les atomes est clair, le secret de toutes les choses créées, extérieures et intérieures, est clair, et tu ne vois Plus rien en ce monde et en l’autre que Dieu ».
De cette doctrine va découler l’universalisme de l’Islam, dont tout syncrétisme réducteur n’est que caricature. Il convient de noter que l’Islam est la seule religion qui ne se désigne ni par le nom de son fondateur, ni par celui du pays où elle a pris naissance. Le mot Islam ne veut rien dire d’autre que «se remettre â Dieu» , c’est-à-dire à l’Absolu reconnu comme tel, et, refaisant, se conformer â la loi de son être. C’est ainsi qu’en des termes qui peuvent paraître un paradoxe, mais sont profondément exacts selon cette vision, un théologien musulman moderne a pu écrire que «la lune, le soleil, les planètes, les arbres, l’air, l’eau, la chaleur, les minéraux, les animaux étaient «musulmans » puisqu’ils obéissent aux normes divines. Et puisqu’il ne peut y avoir qu’une seule Vérité, et non «des» vérités, il ne peut y avoir qu’une seule Révélation si Dieu a choisi de Se révéler, et donc un seul message, valable pour toute l’humanité. Ce sont les hommes qui l’ont tantôt élaboré, tantôt déformé, d’où les divergences entre les diverses approches du divin : l’Occident ne sait guère que, pour se déclarer musulman, il faut reconnaître les autres Écritures sacrées : Torah, Évangiles et, d’une manière générale tout ce que les «envoyés de Dieu » ont apporté aux différents peuples de la terre, (dans la mesure, bien entendu où elles ne viennent pas contredire l’essence immuable de ce Message). Le Coran n’est lui-même considéré que comme un «Rappel» de cet unique donné révélé.
Les soufis ne se contentent pas de «croire » à cela : tout musulman le fait. Ils en vivent, sur tous les plans, du plus sublime au plus familier. La communauté musulmane toute entière n’est que le reflet dans la société des hommes de cette unicité. Et ils se plaisent â citer ce mot d’un des compagnons du Prophète, Abû ‘Ubaidah, mort en 639 : «Je n’ai jamais considéré une seule chose sans que Dieu fût plus proche de moi que cette chose ».
Eva de Vitray-Meyerovitch
2- Théologie alévie
De tout temps, les messages sacrés ont connu de multiples interprétations et engendré autant de rites. D’après l’une de ces interprétations, courante dans le cadre de l’Islam, ces messages sacrés décrivent l’homme dans l’état le plus élevé, c’est-à-dire manifestant en lui les attributs divins sans que la nature humaine ne puisse le souiller. De cette interprétation sont nés deux courants de pensée l’un, l’orthodoxie, considère que la réalisation de cet état ne s’est produite que lors de la transmission du message sacré, au temps des prophètes, et qu’à ce titre elle appartient au passé, à l’histoire, se soucie exclusivement de l’aspect extérieur et formel du rite, pensant que cet aspect puisse mener à la lumière intérieure, le Vrai. Cette recherche de conformité (imitation) amène à la projection d’un contexte passé dans le présent, et fait abstraction de l’état présent, la Réalité, le Vrai Haqq, Allah.
L’autre, l’hétérodoxie, reconnaît cette réalisation historique, mais en recherche également une autre dans le temps présent. Cette voie, qui amène ceux qui la pratiquent à actualiser le message sacré, est celle du soufisme. Chaque verset du Coran possède pour le soufi une signification actuelle aussi bien qu’historique. Pour lui, les messages sacrés se renouvellent par l’entremise d’hommes qui s’effacent, à l’image des prophètes, devant l’inspiration de Dieu. Il les considère comme des maîtres car ce n’est que par eux qu’il peut rendre son actualité au message sacré. Ils perpétuent la teneur du message divin.
La croyance alévi repose donc essentiellement sur l’interprétation «soufi» de l’islam différent de soufisme sunnite et chiite. C’est une prise de distance, une libération de la «charia» sunnite par la lumière de la Raison.
L’Homme a été créé de la Lumière de Dieu. C’est le principe philosophique de l’Unicité de l’Être et de l’Union des Êtres. L’Homme est la seule créature pouvant réfléchir sur lui-même et ainsi il peut se transformer et évoluer.Le djihad c’est la lutte contre soi-même. Chaque fois que l’Homme se dépasse en faisant un pas pour devenir l’Homme Accompli ou l’Homme Parfait(«Kâmil Insan») qui est l’idéal d’un alévi, il se découvre et il découvre progressivement dans sa substance Dieu pour constater finalement qu’il ne fait qu’Un avec Dieu («Ana-al Hakk» (Je suis Dieu «Vérité»).
Doctrine et Éthique
Dans l’alévisme, l‘ordre moral se repose sur la maîtrise de ces pulsions et sur le respect de l’Homme: «maîtrise tes mains, ta langue et ton désir» etl’enseignement repose sur les « Quatre Portes(Seuils) et Quarante Étapes».
Dans cette doctrine de «Quatre Portes (Seuils) et Quarante Étapes» l’Homme doit passer par des diverses étapes spirituelles pour être l’Homme Parfait et atteindre Dieu.
D’après un hadith, Muhammad a dit: «Je suis la ville de la science, Ali est sa porte d’entrée». Le seuil de cette porte d’entrée représente Ali et symbolise la Voie qui amène l’individu vers Dieu dont le Guide est Ali.
Il y a quatre portes (seuils) sur cette Voie: Seriat(La connaissance ou la gnose), Tarikat (Union), Marifet (Le Savoir Faire) et Hakikat (La Vérité). Et chaque Porte a dix étapes, dix Postes. L’Homme qui s’engage sur la Voie passe par ces quatre seuils et quarante étapes. Selon le métaphore de «Buyruk»: « Il prend le bateau de Seriat, navigue dans la mer de Tarikat, acquière le Marifet, le savoir faire d’un scaphandrier et plonge pour trouver et sortir la perle de Hakikat (de la Vérité)». La terre, l’eau, le feu et l’air sont les symboles de ces quatre Portes.
Le Seriat (se prononce chériate mais n’a rien avoir avec la charia de l’islam orthodoxe) est la connaissance des règles (les données littérales de la Révélation) de la loi cosmique et humaine, ce sont les normes extérieurs de la religions. C’est la voie large. La plupart des hommes restent toute leur vie à cette première étape de la Voie initiatique, se contentent d’une observation extérieure. Mais un alévi doit entreprendre (et réussir) la suite de ce voyage initiatique. Pour cela il est nécessaire de fermer les yeux et voir avec les yeux de l’âme pour dépasser les apparences, pour voir la vrai Vérité. C’est une première renaissance.
Le Tarikat est l’ensemble des règles, des principes et des rites propre à l’interprétation de l’islam d’un sage. C’est la Voie étroite. C’est prêter serment à ce sage, se repentir et se faire pardonner, servir l’humanité et les êtres vivant ou inanimé, renoncer au bien terrestres et vivre sur la Voie. L’apprentissage de ces règles est une deuxième renaissance.
Le Marifet (le Savoir Faire) c’est comprendre l’essence de la croyance, le secret divin et de faire ce que cette compréhension nécessite. C’est réaliser l’éthique alévi: maîtriser sa main, sa langue et ses désirs charnels, s’observer, s’améliorer, se purifier, être pondérer et généreux, utiliser son intelligence intuitif pour acquérir le vrai Savoir, se connaître et connaître chez les autres Dieu.
Le Hakikat (la Vérité) est, méditer sur Dieu, Le voir proche et se fondre dans la puissance de l’univers divin (l’état de «Vuslat», tête à tête avec..). C’est d’être humble et tolérant, de ne faire aucune discrimination de race, de religion, de langue et de genre entre les humains, d’aimer tous les êtres, d’atteindre au secret et savoir le garder, d’être Un avec Dieu et finalement de retourner du monde des Esprits au monde des Hommes pour se trouver et pour se mettre au service du peuple (se séparer de Hakk= Dieu et retourner à Halk=Peuple).
Cet enseignement d’alévisme est dispensé par des dede, chefs spirituels reconnus comme seyyid, descendant du Prophète par la Sainte Famille Ahl-i Bayt.
Les alevis se réunissent dans les djém, réunion solennelle et spirituelle et où on tente de résoudre ensemble les problèmes de la communauté. Dans l’alévisme, l’Homme est au centre de la Religion (« la religion est l’homme ») et n’est pas au centre du formalisme religieux et de dogmes.
Les alévis proclament la foi en : Allah-Muhammed-Ali. La piété se réfère à des hiérarchies célestes, selon plusieurs « nombres » sacrés : « les Trois » (Allah, Muhammed, Ali), « les Cinq » (le Prophète, ‘Ali, Fatima, les Imams Hasan et Hüseyin), « les Douze » (Ali et les onze autres Imams), « les Quatorze Innocents » (le Prophète, sa fille Fatima, et les douze Imams) et les « Quarante » dont l’Assemblée se tient dans le monde. Le récit de la visite de Muhammed parmi les Quarante au cours de son ascension céleste (miradj) constitue la trame narrative et le moment le plus intense du rituel du djem, rituel alevi qui est en quelque sorte la réplique du banquet céleste (Ascension).
Aux fondements de la doctrine et de l’éthique, l’opposition entre le manifeste (zâhir) et le caché (bâtin) est exprimée dans la métaphore de la coque et de l’amande. Cette dichotomie détermine toutes les dimensions de la vie, depuis l’exégèse des textes coraniques jusqu’au secret dans lequel le culte est célébré. Il s’agit de retirer de l’islam « l’amande de la Connaissance » et de laisser aux bigots « la coque vide de la loi coranique».
Aussi, sociologiquement, la « non-conformité » de l’alévisme par rapport au sunnisme est un de ses traits les plus évidents. Les alevi ne prient pas selon le rite sunnite, mais expriment leur dévotion (niyaz) par des prières (dua), des chants et danses religieux ; ils ne fréquentent pas les mosquées, mais se réunissent régulièrement dans des lieux privés pour des cérémonies rituelles (Ayn ü-l Djem Ayn-ul-Jam , « office de l’union » ) . Les cérémonies de djem sont conduites par les dede (chef spirituel reconnu comme seyyid, descendant du Prophète et dont le rôle est de faire appliquer le droit coutumier, de prêcher et de régler la vie de la communauté). De plus les femmes participent à toutes les manifestations religieuses, au même titre que les hommes.
L’assemblée des Quarantes
C’est au temps de Muhammad que l’Assemblée des Quarante Sages (Ashab-i Souffa) a été constituée. Ces Quarante sont parvenus au stade de l’«Hommes Parfaits » unis et également reliés les uns aux autres par le cœur. L’Assemblée comprend 17 femmes et 23 hommes. Ce sont les premiers à entendre la Révélation descendue à Muhammad et à l’appliquer.
Le Djem des Quarante
Muhammed pendant son Ascension (al-Miradj), vit un lion se trouvant en travers son chemin. Le lion était couché, et lui barrait la route. Puis il entendit une voix: «Donne ton Sceau au lion…»
Il retira son Sceau et l’approcha de la gueule du lion. Ainsi ils se lièrent et le lion s’attendrit… Le Prophète atteint alors au Septième Ciel. Il se joignit d’Ami à Ami et fut révélé de quatre vingt dix mille secrets sans mots. Trente milles appartenaient à la shari’at, trente milles à la tarikat, trente milles à la hakikat. [Trente mille appartenaient à la shari’at et étaient descendus aux hommes, les soixante mille autres était dissimulés auprès d’Ali].
En revenant du Miradj, le Noble Envoyé, se trouva devant la porte des Ashab-i Souffa. Et les Quarante conversaient lors d’un banquet. Une voix vint de Dieu: «O Muhammad, présente toi à la porte…» et Muhammad frappa à la porte.
«Qui es-tu?» dirent-ils. «Que veux-tu?»
Muhammad leur dit: «Je suis le Prophète, ouvrez-moi la porte, que je puisse entrer parmi vous, sages, et voir vos beaux visages.
Ils dirent alors: «Le Prophète ne peut se tenir parmi nous. Annonce ta prophétie et révèle la à ta communauté.»
Le Prophète en entendant cela s’en retourna. Puis une voix vint de Dieu: «O Muhammad, présente toi à la porte…»
En entendant cette voix, il se présenta et frappa aussitôt à la porte.
Ils dirent: «Toi, qui es-tu?»
Muhammad annonça: «Je suis l’Envoyé… ouvrez-moi la porte, que je puisse entrer et voir vos visages bénis.»
Et on lui répondit : «L’Envoyé ne peut se tenir parmi nous et il ne nous est guère utile.» On lui ferma la porte au nez aussitôt.
Muhammad entendant ces paroles, s’en retourna et la tentation d’abandon lui vint. En revenant dans sa station, il redevint calme. Puis en s’éloignant, la même voix de Dieu lui parvint à l’oreille: «O mon Bien-Aimé, représente toi à la porte et dit leur que tu es le serviteur des pauvres.
Muhammad se représenta et frappa aussitôt à la porte.
Ils dirent: «Qui es-tu?»
Il annonça:«Je suis le serviteur des pauvres, un indigent et je m’éveille à vous».
Les Quarante lui annoncèrent en ouvrant la porte alors: « Bienvenue, tu as apporté la bénédiction, ta venue est bénie. » Et on le permit d’entrer.
Il posa d’abord le pied droit, puis regarda dans la salle et Il remarqua 22 hommes et 17 femmes. En voyant Mohammed, ils s’arrêtèrent et se levèrent. Il s’assit au près d’eux.
Muhammad demanda: «Qui êtes-vous, comment vous appelle-t-on ?»
Ils dirent: «Nous sommes les Quarante»
Muhammad ajouta: «Qui sont le plus petit et le plus auguste d’entre vous?».
«Le plus petit est le plus auguste d’entre nous, et le plus auguste est le plus petit d’entre nous. Les Quarante sont Un et les Uns sont Quarante. Ce qu’est chacun de nous, tous les autres le sont aussi» lui répondirent les Quarante.
Muhammed demanda: «Mais il en manque un. Où est-il?»
Les Quarantes: «Il est parti chercher la subsistance en Perse. Il s’agit de Salman. Pourquoi poses-tu cette question? Salman est la parmi nous, sache le présent»
Muhammed leur réclama une preuve. Ali tendit son bras béni, et en disant « destur » (permission) on lui entailla profondément l’avant bras. Le sang coula, et les Quarante se mirent à saigner au même endroit et en même temps. Et on vit une goutte de sang provenant de la fenêtre tombée dans le meydan (lieu de communion); ce fut le sang de Salman Farisi.
On banda le bras de Ali et tous arrêtèrent de saigner. Puis on vit Salman Farisi arriver. Il avait ramené un raisin et la posa devant Muhammed. Ils lui déclarèrent : «O Serviteur des pauvres, accomplis ce service, partage cet unique raisin aux Quarante.»
Il leur demanda alors: «Ils sont Quarante, comment pourrais-je partager cet unique raisin à tous?»
Aussitôt Allah prescrivit à l’ange Gabriel (Djébrail): «Mon Bien-Aimé est resté dans la difficulté. Parviens à lui immédiatement, prends une coupe d’une lumière du paradis, porte la à Muhammed. Qu’il écrase ce raisin dans la coupe, qu’il en boive le nectar et le distribue au Quarante.
Gabriel prit une coupe d’une lumière du Paradis et se manifesta à Muhammed. Les Quarante virent la coupe apparaître par une lumière et se poser devant lui.»
Muhammed versa de l’eau dans la coupe et distribua le nectar. Les Quarante burent le nectar, s’enivrèrent, et en se levant, d’une voix invoquèrent «Allah Allah» et se lièrent d’âme à âme. Ils dansèrent le semah. Pendant le semah un long tissu enveloppée sur la tête bénie de Muhammed se détacha et tomba à terre. Les Quarante le ramassèrent, le coupèrent en quarante morceaux et le nouèrent autour de leur taille comme ceinture.
Après cette communion, ils interrogèrent Muhammed sur le Miradj. A ce moment, Ali vint à leur coté. Le Prophète vit alors le Sceau à son doigt, qu’il avait donné au lion entravant son chemin lors du Miradj. Il découvrit la vérité. Il dit à ses compagnons (ashab) : «Venez, soyez talib (disciple) de la vérité (hakikat), afin de percevoir les secrets de Hakk.» Et ils répondirent:
«Déclare nous la vérité, qu’on puisse la percevoir»
Voici la Vérité que tu te dépouilles toi-même et librement de ton essence.
Les compagnons: «Nous sommes venus prêter allégeance et apporter la Volonté ».
Ils devinrent alors talib après serment (ikrar). Mohammed rapporta:
«O Compagnons, la vérité est dans la main d’Ali. Soyez et apportez la volonté de Ali»
Tous les compagnons prêtèrent serment d’allégeance à Ali et apportèrent leur Volonté en devenant talib .
Mohammed rapporta que deux hommes sont devenus frère dans l’Au-delà (musahib). Le Prophète est devenu musahib et frère avec Ali et ont révélé le sens de l’Unicité. Le Prophète ouvrit sa ceinture et pressa Ali contre sa poitrine. Ils sont rentrés tous deux dans la même chemise. Le corps ne fit qu’Un. Le Prophète dit alors ces paroles:
« La chair d’Ali est ma chair, son sang mon sang, mon âme son âme, mon corps son corps.»
Muhammed et Ali sont venus avec la miséricorde, la religion en est devenue Apparente (zahir). Ainsi ils ont posé le rituel (erkân). La Seriat devint apparente ; la Tarikat (voie) et la Hakikat (vérité) dissimulées. La Seriat était à Muhammed. Et l’honneur de la Tarikat et de la Hakikat revint à Ali.
Le récit de cette visite nous enseigne symboliquement la base d’alévité: l’humilité (c’est en tant que serviteur des pauvres que Mohammed est accepté à la réunion des Quarante et non pas en tant que Prophète), le respect à l’autre, l’égalité (le fait d’être le Prophète, élu de Dieu, ne donne aucune avantage), la solidarité (un des quarante est blessé tous les quarante saignent, on arête le saignement chez un, tous les Quarante arrêtent de saigner), l’unicité des êtres, etc.
Dans le récit des Quarante fait dans le «Buyruk» Ali apparaît comme une incarnation de Dieu (au retour de l’ascension, le Miradj, Mohammed est obligé de donner son sceau de Prophète à un lion pour sauver sa vie; mais à la réunion des Quarante, il le découvre au doigt de Ali) : il n’est pas le «Ali» historique des chiites mais il est le symbole de l’Homme Accompli (présenter par le Soleil et le Lion) qui fait Un avec Dieu.
L’utopie alévi de la Société Parfaite (La ville de Consentement- Riza Sehri) est une société sans classe, sans Etat, sans monnaie, où tout le monde produit selon ses capacités et dépense selon ses besoins dans un entend parfait.
Mais aussi un monde de paix, de compréhension où «les 72 croyances, 72 états sont égaux» .
Les Fondements de l’Islam dans l’alévisme
Les fondements de l’Islam dans l’alévisme sont :
– Unicité de Dieu (Tawhid) : Croyance en l’existence, l’unicité, la non-direction, l’infinité de Dieu
– Justice (Adalat) : Dieu est juste et équitable. Il est le protecteur, le gouverneur, l’exécuteur des lois divines. Le bien et le mal n’émanent pas d’Allah. Tout bien qui t’atteint vient d’Allah, et tout mal qui t’atteint vient de toi-même ( nefs ). Allah a créé l’Homme, Adam, de sa Lumière et de son propre Esprit (Ruh) et l’a envoyé comme calife d’Allah sur terre. «Quiconque fait une bonne oeuvre, il le fait en sa faveur. Et quiconque fait le mal, il le fait à ses dépens. Ton Seigneur, cependant, n’est point injuste envers les serviteurs».
– Prophétie (Nübüwwat) : Les lois divines ont été transmises aux Prophètes. Les prescriptions qui ont été transmises aux Prophètes sont celles d’Allah.
– Imamat (Imamat), Sainteté (Walayat) : Après les Prophètes, les Imams font perdurer le Message, les lois divines des Prophètes, les appliquant, les contrôlant, les protégeant de la corruption (surtout pour les Prophètes qui n’avaient pas de livres). La croyance repose sur celle des 12 Imams. L’ordre des «dede» seyyid (les descendants du Prophète) font perdurer cette voie.
3- Les livres de la théologie alévi
4– Le Chiisme iranien et Alévité